Décidément jamais à court d’imagination lorsqu’il s’agit de contrôler la parole citoyenne la municipalité avait organisé samedi 29 juin une réunion qui devait avoir pour objet de « partager les actions mises en œuvre grâce aux idées proposées dans le cadre des instances de participation citoyenne « et de « découvrir les méthodes d’intelligence collective ». !!!
Derrière ce jargon verbeux se dissimule en fait le recours à des méthodes de contrôle mental vieilles comme le monde, méthodes d’ailleurs très largement utilisées aujourd’hui sous des aspects soi-disant ludiques par de grandes entreprises pour stimuler, et mieux contrôler leurs collaborateurs salariés.
La réunion était animée par une consultante, pratique coûteuse dont la mairie est très friande. Plus de ¾h furent d’abord consacrés à une présentation de la réunion par notre Maire, présentation des différents responsables et animateurs dont un dessinateur et une consultante devant une cinquantaine de personnes attendant stoïquement debout dans la chaleur que l’on entre dans le vif du sujet. Puis chaque participant devait se présenter, toujours debout. Le temps passe. Un aspect bien connu d’une mise en condition préalable. Pour le respect dû aux citoyens on repassera !!
Puis commença alors non pas une journée des citoyens appelés à s’exprimer mais celle de la consultante fixant les règles du jeu, infantiles mais tellement habituelles dans ce genre d’exercice. Il s’agit de mettre en conditions les participants en les obligeant à jouer selon des règles qui leur sont imposées et qu’ils n’ont pas la liberté de les accepter. Obligation de se tenir debout en rond pour se présenter sous l’œil vigilant de l’animatrice prête à réagir à toute tentative individuelle, interdiction d’aller s’installer sur les chaises et tables prévues à cet effet. Ceux qui, fatigués ont pris la liberté d’aller s’asseoir ont dû affronter le regard courroucé de l’animatrice. On se croirait dans une école maternelle des années 50. Ce serait risible tant ces vieilles méthodes de contrôle des esprits et d’ailleurs aussi des corps sont connues et régulièrement dénoncées comme attentatoires aux libertés les plus élémentaires si ce n’était aussi consternant qu’une municipalité ose encore aujourd’hui y avoir recours pour pouvoir invoquer de soi-disant participations citoyennes.
Les participants doivent ensuite s’exprimer selon un code établi par l’animatrice sur la meilleure façon d’une communication citoyenne. Pas de débat en vue. Un participant ose glisser qu’il serait tout de même préférable que les règles de telles réunions ne soient pas fixées à l’avance tant sur la forme que sur le fond. Hérésie, sacrilège. Quelqu’un se lâche sur un post It « être bref, ne pas avoir des sujets imposés tant sur la forme que sur le fond ». Possibilités d’expression limitées. Un tableau où chacun doit placer ses Post It comme à l’école maternelle. Une animatrice au regard sévère et faisant arbitrairement des remarques quand ce qui était écrit sur les Post It ne lui convenait pas. Une demande de lever la main pour que la consultante puisse la reprendre (la main !) Toute cette mise en scène n’est qu’une infantilisation organisée des participants, un conditionnement des esprits et des modes d’expression.
Puis surtout s’il y a des oppositions ou des tentatives de prises de parole ou de manifestation d’indépendance surtout alors très vite reprendre le contrôle. Mélanger les tables pour disperser les opinions divergentes !! Toutes les grandes entreprises notamment outre atlantique pratiquent couramment ces méthodes. Sur les tables des rappels sur l’écoute, la bienveillance et le respect. C’est surréaliste ! Mais de quelle écoute parle-t-on puisque personne ne peut s’exprimer en dehors du cadre rigide pré imposé ? Ou commence la bienveillance pour des participants obligés de rester debout pendant plus d’une heure. Quant au respect !!
Quelques personnes s’en vont alors rebutées par un système qui empêche toute prise de parole.
Ce désolant scénario utilisant quelques dizaines de personnes de bonne volonté, manipulées d’une façon que l’on qualifierait presque de sadique permettra ultérieurement de se gargariser de soi -disant « participation citoyenne ». Pourtant au départ les participants viennent plein de bonnes intentions croyant réellement participer à des débats ouverts et constructifs. Ils en repartent déçus et indignés. En effet il n’y a pas plus de participation dans cette affaire que de beurre en croûte.
Toutes ces techniques de manipulations psychologiques sont très anciennes. Dans un livre intitulé « Le viol des foules par la propagande politique » un sociologue allemand Serge Tchakhotine les avaient déjà analysées et décrites. Elles furent utilisées dans les conditions que l’on connait par des régimes de sinistre mémoire. Aujourd’hui mises à une sauce moderne elles inspirent les spécialistes du marketing, les publicitaires et autres spin doctors spécialisés dans le marketing politique. La Ville de Vincennes a-t-elle décidé de s’en inspirer ?
Il n’y a jamais eu de réelle participation citoyenne à Vincennes. Des ateliers réunissant quelques dizaines de personnes de bonne volonté mais sans réel pouvoir de décisions ne peuvent évidemment représenter une population de 50.000 habitants en l’absence de consultations plus générales. De surcroît les comptes rendus de ces réunions dont certains reviennent dépités ne sont jamais fidèles et ne rapportent jamais de façon exacte ce qui a été exprimé. Parmi toutes les personnes interrogées depuis trois ans aucune ne peut témoigner avoir pu donner un avis sur la pose de pavés bruyants en remplacement de l’enrobé, aucune n’a été interrogée sur l’arrachage de plus de cent arbres cours Marigny, aucune n’a été consulté sur le remplacement des anciens lampadaires ou des très belles lanternes. Le système vincennois très bien décrit par les journalistes de l’Express en janvier 2013 est un « système autoritaire ou les décisions se prennent dans l’intimité d’un petit cercle ». Pourtant nul besoin de d’instances de participation citoyenne. Il suffirait d’écouter les vincennois sur les marchés, dans les rues, dans les cafés, les commerçants sur le lieu de leur activité. Pas besoin de sondages bidon, de réunions de participation citoyenne ou de tous autres artifices de la communication politique.
Alors oui ces réunions comme celle de ce samedi 29 juin sont de pures mascarades. Il est regrettable qu’elles soient utilisées pour essayer de camoufler l’absence d’une réelle participation des citoyens à la vie de leur ville. Il semblerait plutôt qu’un certain nombre d’élus locaux devraient suivre, eux, des stages pour apprendre à écouter !!!